Je les voyais s’habiller, porter cette grosse ceinture colorée et fleurie, sur le dogi blanc et puis une grande jupe bleue-nuit était dépliée, et là, la silhouette se transformait.
Le port du hakama n’était pas pour tout de suite…
Et puis il y avait les cadres, les portraits des fondateurs de notre pratique l’Aïkido. On les saluait en montant sur le grand tatami et puis en ligne aussi. Là, on disait une phrase en japonais. Je compris plus tard que c’était des remerciements, on le referait à la fin de la séance.
Ce qui était dit, était dit en japonais et ce qu’on voyait dans les corps était la traduction. C’était agréable de comprendre cette langue. On me dit que le fondateur Morihei Ueshiba, O Senseï, parlait en japonais ancien, une langue que ses élèves ne comprenaient pas. Comprendre est important dans le corps alors, pour le reste c’est au fil du temps. On verra bien.
Les arrêts, les saluts donnent un temps, installent un cadre à ma pratique. Être assise en seiza et observer ce qui va être la suite de cette danse des corps est reposant. C’est calme et apaisant, et quand on repart c’est joyeux ! Comme les mangas de Hokusai !
Cette pratique ressemble à la vie, se retrouver pour un voyage dans les corps, au gré de ces sons étrangers, dans un lieu spécifique, habillés en costumes de cérémonie… que c’est précieux !
L’Aïkido se transforme en Aïkiryu par Charles Abelé, il y a quelques années déjà. Les cadres, au kamiza, sont devenus une magnifique calligraphie, un kakemono, faite par Hachiro Kano, artiste japonais contemporain. L’œuvre originale est dans le hombu dojo, aux Ormes.
Elle nous raconte la filiation de la pratique à ses origines japonaises dans notre époque. Le lien avec le temps.
L’enseignant qui s’installe, aujourd’hui, face au shomen pour ouvrir le cours ou montrer une technique, est le passeur de cette filiation, ici et maintenant avec nous, pour nous. Arigataï.
Lyse Seguin, enseignante de la F.AAGE